"A cold moth [...] landed lightly on Rahel's heart.[...] A little less her Ammu loved her."
Depuis quelques jours, je n'ai qu'envie de m'isoler, de rester seule chez moi, qu'on me laisse tranquille. Depuis quelques jours, je constate que le deuil est plus difficile à faire que ce que je pensais. Enfin, il a été plus difficile à faire que pré-vu. Il fallait que je puisse enfin libérer ma peine : c'est désormais chose faite. Malgré tout, le regain de déprime, lui, s'incruste dans ma vie et lui donne une teinte tristement grise, alors que le soleil brille et que le ciel est bleu. Alors que tout devrait aller bien ? Je dors moins, et moins bien. Je n'ai plus envie de rien, si ce n'est de tout envoyer promener. Cette existence est vaine, toujours.
Je ressens de l'angoisse quand j'envisage la rentrée : je vais être confrontée à des élèves, comment vais-je faire ? Peut-être est-il temps que j'avoue (que je m'avoue) que je n'ai fait que reculer pour mieux sauter. Tout ce que j'ai entrepris, tout ce que j'envisage, tout ce dont je pourrais rêver me parait vain, inutile, manqué d'avance. Tout est lointain, tout est frappé du sceau de l'échec. Je suis seule à pouvoir faire face à mon existence, et tout ce que je suis capable de faire est de brasser du vide, de l'air. Je suis accompagnée, pourtant. D'autres souffrent peut-être par moi en lisant ceci. Et moi, je souffre en l'écrivant. Le bordel qui règnait dans ma tête et qui semblait un peu moins calamiteux reprend de l'ampleur : j'ai dû être secouée trop fort ; des tiroirs se sont rouverts, et je ne m'y retrouve plus.
Je n'ai même plus l'envie de rattraper ceux que je blesse en étant si flasque, si sombre, si triste. Non pas que vous n'en valiez pas la peine : vous savez combien vous comptez pour moi. Mais je n'ai pas envie de lutter. J'ai juste envie de dormir. J'ai juste envie d'oublier pour quelques moments que c'est autant le bordel et que je vais, une fois de plus, me ramasser parce que je suis trop lâche pour réagir.
Je veux tout garder parce que j'ai peur de perdre, et je vais tout perdre sans rien garder. J'ai peur de l'abandon, j'ai peur d'être seule depuis l'enfance, j'ai peur qu'on ne m'aime pas, j'ai peur parce que je ne m'aime pas et que, de ce fait, je ne sais rien faire pour moi. J'ai peur de vous perdre tous, j'ai peur que vous me rejetiez. J'ai peur que vous m'éloigniiez. J'ai peur quand vous m'éloignez. J'ai peur de tout, de rien, de ma solitude, de mes incertitudes, des autres. J'ai peur et je fais tout pour ne pas le voir. Et quand la peur et la conscience reviennent, qu'il n'y a rien pour les anesthésier, j'ai mal.... et je vous fais mal.
titre : from A. ROY, The God Of Small Things, p 107.