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Through the Looking-Glass
2 juin 2007

... mais finalement, j'ai parlé de ça...

mode prise de notes

p_p_Séance sur la mort. Je parle du décès de ma grand-mère maternelle, il y a deux ans, trois ans ? je ne sais même plus. Ce jour, alors qu'elle était sur son lit d'hôpital, où nous avons essayé de rattraper le temps perdu : nous avons discuté, presque comme grand-mère et petite fille. Peut-être bien pour la première et certainement pour la dernière fois. Elle est morte quelques jours plus tard. Nous n'avons pas rattrapé le temps perdu, mais je sais que ma grand-mère m'a aimée, même si elle n'a pas voulu jouer un rôle de "mamie" telle qu'on se la représente.

Perspective du décès de mon grand-père plus ou moins prochainement. Il serait capable de s'en sortir encore, comme c'est arrivé si souvent. Mais comme à chaque pépin, j'ai peur. Et cette fois-ci, un peu plus peur que les autres.  J'en parle au Che. J'énumère en quoi je n'étais pas "géniale" la dernière fois que nous nous sommes vus, Pépé et moi : malade, amaigrie, fatiguée, déprimée, toujours silencieuse. C'était il y a six mois. Une question surgit : "A qui vous parrrrlez là ?" Silence de l'analysante. Je le sais bien, finalement, à qui je parle. "A lui ? ou à vous ?" Oui, je lui parle à lui allongée sur un divan, parce que depuis longtemps il est trop sourd pour qu'on puisse communiquer avec lui. Oui je lui parle à lui, parce que nous ne nous sommes pas vus depuis déjà trop longtemps, et que le voir dans son fauteuil, derrière son déambulateur, enfermé dans sa surdité et ses souvenirs, me fait trop mal. Oui, je lui parle à lui, parce que depuis trop longtemps j'ai mal de le voir tout rejeter, comme pour mieux se préparer à la mort, certain qu'il est depuis tant d'années que c'est la fin pour lui. Vingt ans qu'il dit : "l'année prochaine je serai mort". J'ai quand même eu le temps de jouer aux dominos avec lui pendant quinze ans. Mais au final, il a fini par abandonner ce jeu que nous aimions tant partager : "je n'sais plus y jouer, j'ai oublié" dit-il, lorsque je lui tends la boîte de rectangles blancs et noirs. Des dominos presque aussi vieux que lui, qu'il conserve depuis ses 7 ans, et qu'ont tripoté tous ses petits-enfants. Nous étions onze : il a appris à jouer à chacun, et a joué avec chacun, pendant trente ans peut-être. Nous sommes dix, âgés de 26 à 46 ans : tous nous nous souvenons d'une partie de dominos, d'un bricolage sur l'établi qu'il a construit lui-même ; tous, nous avons utilisé ses marteaux et ses clous ; il nous a appris à construire des petits bateaux en bois que nous pouvions faire glisser sur le Liger, la petite rivière locale ; il nous a appris sa version du "Roi Dagobert" ou de "la pie dans le poirier". Il nous a fait manger des oeufs à la coque le matin, parce qu'il en mangeait lui-même, et nous en faisait retourner la coque : ma grand-mère, bonne participante, feignait la surprise : "Quoi ? tu n'as pas mangé ton oeuf ?!" Il nous a appris, à tous, à manger des spaghettis à la tomate à sa manière : il mettait un spaghetti dans sa bouche, et pour nous faire rire, l'aspirait tout en pliant ses oreilles, comme s'il avait été en train d'enrouler le spaghetti dans sa tête. Et puis, il a fait manger du fromage à ma soeur, qui n'en voulait pas. Une fin de repas, alors qu'elle était sur ses genoux, il discutait avec mes parents. Il avait un bout de camembert, son fromage favori semble-t-il, dans son assiette. Il discutait, discutait, discutait. Il s'apprête à manger le quartier blanc. En regardant dans son assiette, il s'aperçoit de la disparition de ce dernier : ma soeur l'avait mangé.
Il traîne aussi dans ma tête une histoire de moustiques, un gobelet en plastique jaune appelé "Pépé", sur lequel mon père a dessiné un petit tonneau, une petite flûte en bois qu'il a taillée pour moi, une paire de lunettes, un couteau dont le manche est en corne, une façon de refroidir la soupe en déplaçant l'assiette, des jeux de mots (la mère Théo), des sauts sur son lit le matin quand j'étais enfant, des promenades en vélo, une visite à sa soeur et à "mon onc' Léon", des mots en Picard.  Et puis un regard triste, des larmes dans les yeux, malgré la fermeté de la poigne, alors que je reprends le volant de ma voiture après un séjour toujours trop court.

Il traîne dans ma tête plein de souvenirs de toi.

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Commentaires
L
Cette nouvelle m'a attristé. Je te souhaite beaucoup de courage et je t'apporte mon soutien dans cette épreuve. Comme je te l'ai dit précédemment, si tu en as besoin, tu peux compter sur moi. Notamment si tu pense ma présence nécessaire pour les obsèques. Envoie moi un courriel en ce cas.
P
Garder les souvenirs et faire le deuil...<br /> Je ne sais pas trop quoi te dire à toi qui n'est pas croyante, juste peut-être de sourire en pensant à lui, comme ce post a pu me faire sourire. <br /> <br /> Je suis là si tu as besoin. <br /> <br /> Gros Bisouxxx et merci pour cette belle après-midi en ta compagnie. :)
K
Je viens de lire ton post qui est, je trouve, très touchant. Je suis de tout coeur avec toi car je sais combien il est difficile de perdre un proche. J'ai appris la nouvelle par quelqu'un à qui tu l'as dit. Pleure toutes les larmes de ton corps: ça ne pourra que te faire du bien. Et si tu en as besoin, tu sais que nous sommes toujours là dans les bons comme dans les mauvais moments...<br /> <br /> Je t'embrasse très très fort.
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