Des larmes montent. Ma gorge se serre. Pourquoi ?
Des larmes montent. Ma gorge se serre. Pourquoi ? Pourquoi, alors que ce matin je me suis levée de bonne humeur, que j'ai vu le soleil et le ciel bleu ? Peut-être parce que chaque choix, chaque décision ou désir appelle des démarches. Quoi de plus normal après tout ? Je dois appeler l'inspection pour mon clm, je dois appeler le kiné pour mes vertiges, je dois appeler le GRETA pour avoir des renseignements, je dois joindre le médecin de prévention qui ne décroche pas. Je dois chercher du travail et faire des lettres de motivation. Je dois rester la tête hors de l'eau, mais à chaque fois que je me lance dans ce genre de démarches, je perds ce maigre espoir de m'en sortir. Il est encore chétif, il ne résiste pas assez longtemps. J'essaie de le fortifier, et d'agir malgré la force écrasante d'une inertie qui me rend asthénique. Chaque fois, j'ai l'impression que mes chances de parvenir à ce que je veux s'éloignent. Les démarches amorcées alors me demandent bien plus d'efforts pour être concrétisées. Le découragement est omniprésent. Pas ou plus envie, mais la certitude aussi que je dois faire quelque chose, que je ne peux ni ne dois en rester là, et puis le mépris de me dire parfois que je ne fais pas assez pour m'en sortir. C'est dans ces moments-là que la tentation de l'oubli est la plus forte : laissez-moi, oubliez-moi, je ne veux plus être là et je ne suis pas toujours sûre de vouloir autre chose... parce que je suis trop puérile pour accepter de me battre encore, de lutter encore pour moi-même. Je ne veux plus être tiraillée, mais je n'arrive pas à me battre pour sortir de cet écartèlement, de ce paradoxe intérieur : je suis bien consciente de ce que je dois faire, et je ne peux pas me décider à le faire. Je hais cet autre moi qui me retient et me fait me comporter comme une enfant. Je méprise cet être qui attend que ça passe parce qu'elle n'a pas le courage de faire autre chose. Je déteste cette lâcheté et cette incapacité dans laquelle je demeure de lui faire face et de la surmonter.
Je hais cette volonté qui ne veut pas, qui ne veut rien, et qui ne fait rien.