Comment dire...
Ce sont les vacances, pour moi aussi. Après huit mois d'arrêt maladie, un mois de repos dans le midi. Cherchez l'erreur. Je viens de recevoir un courrier du rectorat m'indiquant que je suis rattachée au même établissement que l'an dernier. Un souci de moins, puisque je connais les lieux et personnes, et que j'y suis un peu connue. Si cela peut m'éviter certains déboires, je suis preneuse.
En attendant, sans fébrilité aucune, la rentrée scolaire, je prépare quelques séquences, quelques cours, j'essaie de me remettre doucement dans le bain. Je bénis internet et ses ressources littéraires en ligne tout autant que l'inventeur de l'ordinateur portable. Ces séances interminables de travail ne vont pas sans susciter quelques angoisses.
Tout d'abord, l'angoisse de retourner au travail, tout simplement. Je ne veux pas demeurer chez moi, l'inactivité étant par trop insupportable, mais la perspective de retrouver le milieu scolaire ne me réjouis pas non plus. Ensuite, l'angoisse liée à la question de ma carrière : suis-je faite pour ça ou pas ? En suis-je capable ? Puis, il y a l'angoisse de parvenir à préparer des cours qui tiennent la route, et partant les élèves. Enfin, il y a l'angoisse souterraine et omniprésente, quoique je fasse, de grossir. Certains se demandent peut-être la raison de cette dernière mention. Je m'explique : quand je travaille, je ne bouge pas ; si je ne bouge pas, je ne me dépense pas ; si je ne me dépense pas et que je mange, même normalement et sans grignotage, je grossis.
Je vois d'ici le Chevalier Blanc lire ces paragraphes et dire : "Décidément, il y a toujours quelque chose pour te gâcher la vie ! Quand ce n'est pas parce que tu as mangé une glace ou un biscuit, tu culpabilises parce que tu as travaillé ! Et du coup, tu ne retires pas de plaisir d'avoir fait ce que tu avais prévu. Tu ne pourrais pas arrêter deux minutes de te pourrir l'existence ?" Et moi d'acquiescer : oui, je ne cesse de me pourrir l'existence, de faire de mon quotidien une lutte incessante contre moi-même, contre mon corps pour être exacte. La culpabilité est de moins en moins souvent liée à un "devoir" non fait qu'à l'impression d'avoir cédé à mon estomac et à la certitude que je m'élargis de jour en jour.
Rien n'y fait. Quand j'y repense, même en décembre je ne me sentais pas bien dans ce corps amaigri, que je voyais encore trop gros. Aujourd'hui, je regarde mes cuisses, mes fesses, mes hanches, et je les trouve trop rondes, trop grasses, trop larges. Je n'en finis jamais de me haïr, je ne cesse presque pas de me dégoûter. Je lutte comme je peux, mais certaines tensions sont plus fortes que les doux regards. C'est encore trop souvent la gorge serrée que je me vois, que je me vêts, que je me vis. Il y a cette peur, au fond de moi, de redevenir celle que j'étais, physiquement d'abord, psychologiquement intellectuellement. J'ai peur d'un moi passé que je ne sais pas tolérer. J'ai peur du moi futur qui devra bien lui ressembler. Alors mon présent n'est pas toujours joyeux et quelque peu angoissé, parce que je veux à tout prix gommer les défauts, mais que j'en suis incapable. On ne change pas du tout au tout. Il ne me reste qu'à m'accepter, enfin, mais pour le moment, je ne sais que me résigner. C'est un choix négatif, et non une libre décision.