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Through the Looking-Glass
24 mai 2007

Quelques secondes...

Botero_20Happy_20Birthday_201971Juste quelques secondes. Le train s'arrête. Des passagers descendent dans cette station de la belle banlieue sud, d'autres montent. On tarde à repartir. Je quitte mon volume des yeux. Je regarde par la vitre, à ma gauche. Sur le quai, face à moi, il y a une femme. Brune quadragénaire, vêtue d'un haut noir et d'un pantalon blanc. Assise sur l'un de ces hideux fauteuils jaunes que la région parisienne connaît si bien, ses pieds touchent à peine le sol. Seule la pointe de ses souliers vernis effleure le bitume sombre et collant. Seule dans cet abri de gare, elle regarde devant elle. Elle parait préoccupée. Elle parait pressée. Posée sur ses genoux, une boîte en polystyrène de couleur crème. Le couvercle est levé. A l'intérieur, de la nourriture, qu'elle s'empresse de saisir et de porter à sa bouche, et de mastiquer brièvement, et d'avaler. Saisir, mordre, mastiquer, avaler. Le geste semble sous contrôle, comme s'il s'agissait de réprimer une compulsion. Peut-être a-t-elle simplement faim ? Peut-être traverse-t-elle aussi une crise de boulimie, l'un de ces horribles moments où la raison ne sait plus résister à la pulsion ? Je ne sais pas, je ne saurai jamais. Mais en la voyant, j'ai eu envie de pleurer. Son geste mal retenu m'a renvoyée à mes propres instants compulsifs, où la nourriture devient le centre de l'univers, où plus rien d'autre n'existe que le remplissage de ce corps tant haï.
Pendant la classe préparatoire, et périodiquement pendant mes deux dernières années d'études, je me suis livrée à ce besoin irrépressible et infiniment culpabilisant de manger. D'engloutir. J'ai sans doute atteint un pic pendant la khâgne, à 19 ans. Chaque fin de semaine était constituée de crises de boulimie, particulièrement lorsque je me retrouvais seule dans la maison familiale. Je me souviens de samedi de fin d'automne et d'hiver, où les repas pris seule s'étiraient, destructurés, sans vrai début ni réelle fin. Sans véritable faim non plus. Je ne pouvais m'arrêter que lorsque la nausée se faisait sentir. Jamais je n'ai vomi ce que j'avais pu ingurgiter sans plaisir. J'en étais incapable. Mais la culpabilité, elle, était bien présente et n'a jamais disparu. Cette année-là, j'ai pris huit ou dix kilos. Presque deux tailles de vêtements. Au dégoût de mon corps grossi, enflé, s'est ajouté le rejet intellectuel : je ne savais rien, je ne comprenais rien, je n'arrivais et n'arriverais à rien. J'ai travaillé comme une acharnée, englouti tant et plus pour compenser mes angoisses intellectuelles et existentielles, je me suis haïe de tout mon coeur. J'ai passé le concours, quitté la classe prépa. J'ai emporté une rigueur de travail, une culture générale, mais aussi une peur de l'avenir et de moi-même. Et près de dix kilos, que j'ai fini par perdre le jour où, pour cause de dépression, j'ai cessé de manger. Cette autre période n'a duré, heureusement, que quelques semaines. Mais elle est, elle aussi, le signe de ma relation malsaine à la nourriture et au corps, du problème que l'un et l'autre sont pour moi.
Aujourd'hui ? je mange, pas toujours très bien, pas forcément à ma faim, mais mieux qu'avant quand même. Je vis dans la hantise de reprendre du poids, de grossir, de m'arrondir. Les plaisirs de la table sont à réapprivoiser, je m'y applique, tant bien que mal.  Helas, la crise n'est jamais bien loin et sa soeur, la culpabilité non plus.

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Commentaires
A
Phoebs, tu n'as aucun kilo à perdre, je l'approuve. En dehors du fait que je te trouve vraiment très belle, si je devais juste te regarder vis à vis du poids, je dirais que tu es tout à fait normale, comme toutes les filles rêveraient d'être.<br /> Hélas, je le sais bien, on ne devient jamais normale à ses yeux.<br /> On reste dans cet excès.<br /> Trop Trop Trop avec trois T majuscule.<br /> Cela vaut pour moi aussi, 10kg de perdus, et toujours cette image dans le miroir. Je recommence mon régime mardi, jusqu'à fin juin-mi juillet, et je me dis que je ne vais pas réussir.<br /> <br /> Aisling, je suis de tout coeur avec toi, je te comprends, cette relation que tu as et avais avec la nourriture, je l'ai/avais.<br /> Ces crises de ce que je n'appellerai pas boulimie mais connerie, je les vis encore (quoi que beaucoup moins).<br /> Engloutir alors que l'on a pas faim, manger alors que l'on a fait le jeune depuis deux jours, et ensuite culpabiliser devant le jambon, le fromage, les céréales, les tomates, la menthe, le pain dur engloutis. Et penser à cet estomac. longue réflexion à propos du ballon de beaudruche, de l'éléphant qui me sert d'estomac.<br /> Je pense aux morceaux de tartines pelletier qui flottent dans la bouche de cet éléphant.<br /> Je me vois poubelle. La nourriture entre en moi comme la nourriture dans une poubelle.<br /> Pourquoi est-ce que notre/ma poubelle a BESOIN d'être remplie, pourquoi ne peut-elle aps tout simplement se tarir, et cesser de quémander, supplier?<br /> On regarde sa brosse à dents avec perplexité.<br /> Juste, juste pour essayer.<br /> brosse à dent, bouche...<br /> Comme si de rien était.<br /> On essaye une fois, on ne vomit que de la bille. Et on culpabilise. On se sent enfant trichant au jeu de l'oie.<br /> Case départ.<br /> Et on se dit que l'on n'ets pas comme ces filles stupides, et on arrête de se faire vomir.<br /> On a dépassé une étape. On n'est pas tombée à la première facilité qui se montrait.<br /> Maso? Peut être.<br /> A la place, on regarde les magazines, on se regarde dans tous les miroirs.<br /> A un tel point que ma mère me dit "mais arrête de te regarder dans tous les reflets!". Et tenter de lui expliquer que je me regarde car je suis désespérée.<br /> Je suis désolée d'avoir écrit un commentaire si égocentrique et personnel.<br /> Mais je ne sais pas ce que tu vis, même si cela ne servira peut être à rien, sache que je suis de tout coeur avec toi.<br /> j'epsère que tu te rendra compte, tout comme Phoebs, comme tu es BELLE. Il ne faut pas se demander quand ça arrivera, car l'essentiel, c'est qu'un jour tu te dise "je suis fière de moi, je suis, j'existe, et je m'accepte". Ce jour arrivera, j'en suis sûre.<br /> Vous méritez cette paix avec le miroir et surtout vous-mêmes.<br /> Bisous.<br /> Victoria.
A
grosse ? tu as vu ça où ? Phoebs, tu es toute menue ! T'as pas besoin de perdre de poids !
P
Tu sais, je connais un peu ça...sauf que je culpabilise et pr culpabiliser encore plus je ne fais rien pr arranger les choses (sport). <br /> Sauf que moi je suis moins mince/plus grosse que toi et que bon vu ma taille je sais que jai du poid a perdre...<br /> Jferai bien dans parler au Che dailleurs...<br /> <br /> Tu es dans la culpabilité mais tu reprends confiance peu à peu, tu ne te laisses pas aller. Cest cela qui est positif. <br /> <br /> Bisouxxx
A
le problème, Phoebs, réside dans la relation d'amour-haine vis à vis de la nourriture. Je ne peux presque plus manger sans penser au poids que je risque de prendre ; je ne peux pas m'accorder un plaisir sans penser aux heures de musculation que je vais faire, autant par plaisir que par compensation. Qui dit culpabilité dit, au bout d'un moment, crise de déprime : je suis en plein dedans aujourd'hui.
P
Réapprendre la nourriture, prendre les bonnes habitudes alimentaires. <br /> <br /> Essaye de jouer avec les couleurs, souvent une salade aux mille couleurs est plus agréable à manger: du vert, du rose, du jaune, du orange, du violet!!!<br /> Se faire des plats ludiques pour réapprécier.<br /> Commencer par les fruits et les légumes qui font moins culpabiliser, et réintroduire peu à peu le reste.<br /> <br /> Je t'embrasse :-***
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