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Through the Looking-Glass
18 mars 2007

Le jour où j'aurais dû me taire ?...

voiture_boulangerie_2C'était un samedi soir presque identique aux autres. Un week-end normal, passé en compagnie de Phoebs, entre poursuite de nos analyses, plaisanteries et déambulations diverses. Après quelques emplettes de début de soirée dans une boutique que nous aimons, nous nous dirigeons vers le centre du village où j'ai passé mon enfance, mon adolescence et le tout début de ma majorité. Je suis partie il y a plusieurs années, mais j'ai toujours aimé revenir passer les fins de semaines ou les vacances scolaires dans la maison familiale. A tel point que j'ai réussi à obtenir une mutation à proximité de ces lieux qui sont un peu mes racines et que je me suis réinstallée dans la région. La proximité de mon village natal a plusieurs avantages, dont celui très matériel et gustatif de pouvoir trouver du bon pain chez son boulanger. Celui dont je vous parle est venu s'installer ici avec sa petite famille il y a douze ou treize ans. Son épouse tient la boutique tandis que lui est au fournil. Faisons un rapide calcul : il y a treize ans, j'avais treize ans de moins, 18 centimètres de moins, mais presque le même poids qu'aujourd'hui (0_°), et je ne portais pas tout à fait le même genre de vêtements (rappelez vous, il y a treize ans, nous étions en 1994...concentrez vous, rappelez-vous la mode de l'époque...). J'allais à pieds à l'établissement du coin, le sac sur le dos et les cheveux toujours bien attachés. En treize ans, j'ai pris dix-huit centimètres, coupé mes cheveux (l'erreur), les ai laissés repousser, changé ma garde-robe, passé mon bac, quitté le domicile familial, fait des études, changé encore une partie de ma garde-robe, fêté plusieurs anniversaires dont plusieurs nécessitèrent l'achat d'un gateau chez le boulanger-patissier en question, cessé d'aller acheter la baguette chaque jour. J'ai grandi, j'ai vieilli aussi.

Hier donc, nous passons Phoebs et moi acheter du bon pain à la boulangerie tant appréciée (madame ma boulangère, si vous passez ici par hasard et que vous vous reconnaissez, au moins, vous le saurez). Il est 19h30, la nuit est tombée. Nous entrons dans la boutique bien éclairée, vide de clients à cette heure.
"Bonsoir
-Bonsoir mademoiselle. Ce sera une baguette ?
- Ah non, perdu !"
La boulangère me regarde, étonnée, puis repose la baguette "pas trop cuite"(aahh, elle connait bien les goûts familiaux) qu'elle s'apprétait déjà à emballer dans un petit carré de papier.
"Ah bon ?
- Eh oui, je ne viens pas acheter la baguette pour mes parents. Je viens acheter du pain pour mon chez moi. Je vous prendrai un pain aux céréales s'il vous plait.
- Pour votre chez vous ? Vous n'habitez plus chez vos parents ? dit-elle en se saisissant du dernier représentant de la race des pains aux céréales.
- Euh non, ça fait longtemps que je ne vis plus ici.
- Ah bon ? mais depuis quand ? j'vois passer vot' papa tous les jours pour acheter la baguette, et puis j'vous vois vous et vot' soeur de temps en temps, alors c'est vrai que je ne fais pas très attention à ça.
- C'est normal.Je suis partie depuis six ou sept ans. J'ai habité à P. et à M. pendant six ans, pour mes études. Je ne suis revenue vivre dans le coin qu'à la rentrée scolaire.
- Ah ? mais vous avez terminé vos études ?
- Euh oui, en quelque sorte. Enfin, oui.
- Mais vous travaillez ?
- Euh... (hésitation... je ne vais peut-être pas lui raconter toute ma vie non plus) en ce moment je ne travaille plus, mais j'ai un travail.
- Qu'est ce que vous faites ?
- Je suis devenue prof.
- Ah ? mais vous avez quel âge ?
- J'ai vingt-cinq ans.
- Déjà ? ah ben vous ne les faites pas ! Mais et votre soeur, elle est partie aussi ?
- Oui, à peu près en même temps que moi. Mais elle, elle s'est réinstallée dans le village il y a quelques temps."

S'en suit une conversation sur le dur métier d'enseignant, sur le fait que son ainée, qui a atteint maintenant la vingtaine, voit elle aussi le changement entre sa "génération" et celle de sa cadette, sur ceci et cela. Deux réflexions germent dans ma petite tête pendant cette conversation, finalement agréable : je ne change pas beaucoup (ce que Phoebs me confirme en rentrant, lorsqu'elle voit une photographie de la fin de mon adolescence) ; je viens de filer un coup de vieux à ma boulangère en lui faisant réaliser que treize ans environ se sont écoulés (peut-être même un peu plus) depuis son installation ici avec son mari, le début de leur commerce, et l'habitude de nous voir passer ma soeur et moi pour acheter la traditionnelle baguette familiale. Aurais-je dû me taire, that is the question...

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Commentaires
P
Béh ça cest encore plus fou!!!^^
A
je ne l'avais jamais entendu Phoebs. En fait, je n'avais jamais parlé avec elle !
P
Ce qui est drole cest kelle ne tas pas vu changé alors que toi tu avai oublié son accent terrrrible...
A
oui, ma boulangère n'est quand même pas tombée dans le coma. mais c'est vrai que ça lui ai fait comme un choc... que nous sommes cruels, nous les jeunes ! Pourtant, je ne pouvais pas lui dire que j'avais quinze ans pour qu'elle se sente plus jeune ! lol
A
Voici donc la petite histoire, tirée du Courrier International n°854 (du 15 au 21 mars 2007)<br /> <br /> "Dans le coma depuis 7 ans, elle s'est réveillée début mars croyant être en 1986. Apprenant qu'on était en 2007, elle s'est exclamée :<br /> "Pourquoi ne m'avoir pas réveillée plus tôt ?"<br /> Trois jours après, elle est retombée dans le coma.<br /> <br /> Bon, le rapport avec ta boulangère n'est que lointain, je l'admets.<br /> <br /> Bisous !
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