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Through the Looking-Glass
5 décembre 2006

Solve et coagula...

"Solve et coagula....Il savait ce que signifiait cette rupture des idées, cette faille au sein des choses. Jeune clerc, il avait lu dans Nicolas Flamel la description de l'opus nigrum, de cet essai de dissolution et de calcination des formes qui est la part la plus difficile du Grand Oeuvre. (...) La mors pilosophica s'était accomplie : l'opérateur brûlé par les acides de la recherche était à la fois sujet et objet, alambic fragile et, au fond du réceptacle, précipité noir. L'expérience qu'on avait cru pouvoir confiner à l'officine s'était étendue à tout. S'ensuivait-il que les phases subséquentes de l'aventure alchimique fussent autre chose que des songes, et qu'un jour il connaîtrait aussi la pureté ascétique de l'Oeuvre au blanc, puis le triomphe conjugué de l'esprit et des sens qui caractérise l'Oeuvre au rouge ? Du fond de la lézarde naissait une chimère. (...) La première phase de l'Oeuvre avait demandé toute sa vie. Le temps et les forces manquaient pour aller plus loin, à supposer qu'il y eût une route, et que par cette route un homme pût passer.Ou ce pourrissement des idées, cete mort des instincts, ce broiement des formes presque insupportables à la nature humaine seraient rapidement suivis par la mort véritable, et il serait curieux de voir par quelle voie, ou l'esprit revenu des domaines du vertige reprendrait ses routines habituelles, muni seulement de facultés plus libres et comme nettoyées. Il serait beau d'en voir les effets."

Marguerite Yourcenar, L'Oeuvre au noir, Gallimard, 1968.

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