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Through the Looking-Glass
15 septembre 2006

Une famille charmante

Versailles. Premier week-end de septembre. Nous passons en voiture dans la ville royale. Nous venons de contourner le château et remontons une grande rue en direction de Satory et du GIAT. On circule bien ce midi. Pas trop de monde. C’est pourtant la fin de la messe : en général, les gens sortent de l’église et se promènent, en couple ou en famille. Le feu signalétique où nous sommes arrêtés passe au vert. Nous remontons doucement la rue : c’est une zone à vitesse limitée. Nous en profitons pour regarder brièvement ce qui se passe autour de nous. Des mères de famille rentrent de leur « marché » dominical dans la boutique du coin, des grands-parents marchent avec leurs petits-enfants, venus voir le château ou simplement de passage chez leurs proches. Un nouveau feu rouge. On s’arrête, on passe le point mort parce que l’embrayage de la voiture est dur, et on regarde autour. Un peu plus haut, à quelques mètres seulement, une petite église.

Le feu des piétons passe au vert. Une adolescente traverse devant nous. Blonde, ses cheveux coupés au carré sont retenus par un petit serre-tête rouge qui doit se vouloir assorti au rose pâle de sa robe à col Claudine. Elle porte un petit gilet aussi rouge que son serre-tête. Petits mocassins et socquettes blanches. Elle doit avoir douze ou treize ans. Le type même de l’enfant de bonne famille telle qu’on la croise dans notre verte vallée. A elle seule, elle n’aurait pas justifié cette description.
Mais elle n’est pas seule. Derrière elle viennent ses frères et sœurs, ou ses cousins, je ne sais pas trop. Peut-être que cette femme aux cheveux d’un blond cendré, coupés au carré, au gilet bleu dissimulant à peine la rondeur de son ventre de femme enceinte, à la jupe droite assortie, aux mocassins sombres, au sac à main en cuir noir Hermès, est une dame patronnesse qui accompagne les enfants du voisinage à la messe du dimanche ? Elle est plus probablement l’heureuse mère de cette famille de quatre enfants, en attente d’un nouveau membre.
Les trois autres enfants, filles et garçons, l’entourent, l’un d’eux lui tient la main. Comme ils se ressemblent, dans leurs petits uniformes du dimanche. Les deux autres fillettes sont vêtues de robes bleu clair et de gilets bleu marine. Elles aussi portent les cheveux au carré. Elles aussi ont mis un serre-tête, bleu comme leurs gilets. Leurs petits mocassins sont très propres, leurs socquettes sont bien blanches. Chacune porte son petit sac à main : l’une, à l’imitation de maman, possède un petit sac en cuir tout ce qu’il y a de classique ; l’autre, faisant concession à la fantaisie, tient une minuscule sacoche de tissu aux couleurs vives. Elles traversent sous nos yeux, satisfaites de leur fin de matinée, de la messe écoulée, de ce moment passé ensemble sous le regard bienveillant des autres communiants, du prêtre, d’une déité quelconque.
Le garçon de la famille traverse en courant : contrairement à de nombreux garçons de notre verte vallée, il ne porte pas le traditionnel bermuda (les « culottes » comme auraient dit nos grands-mères) des petits messieurs qui vont à la messe. Il doit avoir treize ou quatorze ans et a dû acquérir récemment le droit de porter le pantalon le dimanche. Sur sa chemise blanche, il porte un pull bleu marine. Les cheveux coupés courts et le visage rayonnant du devoir dominical accompli.
Par ici, nous plaisantons toujours sur les Versaillais, les vrais comme les faux : mères et fillettes en col « claudine », pères et garçons en costume ou, plus fréquemment, en chemisette, le pull noué autour du cou comme s’ils allaient au congrès du Medef, bermuda et mocassins. J’en ai vu des familles déguisées pour la messe dominicale. Mais je dois dire que ce défilé, ce dimanche-là, dépassa tout ce que je connaissais. Des clones ? Le point culminant fut atteint lorsque l’une des fillettes se précipita dans les bras de son père, qui avait visiblement rejoint sa famille, costume noir-cravate-attaché case, rappelons-le, un dimanche matin...


En T. shirt, jeans et baskets, au volant de mon Espace qui couine, je me suis fait l’impression d’une pouilleuse mécréante. Et en même temps, j’étais vaguement satisfaite de n’avoir jamais été l’un de ces petits clones du dimanche en serre-tête et col claudine.

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